Paris, 16 déc 2020 (AFP) –
La pratique de la « nasse » par les forces de l’ordre lors de manifestations va être examinée par le Conseil constitutionnel, la Cour de cassation ayant décidé de lui transmettre une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur le sujet, a-t-on appris mercredi de sources concordantes. Cette question est liée à une procédure initiée à Lyon en 2011: un collectif de 35 citoyens et organisations avait alors saisi la justice après un rassemblement contre la réforme des retraites le 21 octobre 2010, au cours duquel quelque 700 manifestants avaient été encerclés pendant plusieurs heures place Bellecour.
Une instruction, ouverte notamment pour « atteinte arbitraire à la liberté individuelle par dépositaire de l’autorité publique » et « entrave aux libertés d’expression et de manifestation », s’est soldée par un non-lieu en 2017, confirmé en mars 2020. Le collectif a formé un pourvoi en cassation contre ce non-lieu et, à cette occasion, a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), estimant que les dispositions de la loi « méconnaissent les droits et libertés que la Constitution garantit » en ce qu’elles « ne prévoient aucune garantie légale concernant le recours par les forces de l’ordre au procédé de +nasse+ ». Après l’avoir examinée, la Cour de cassation a décidé mardi de transmettre cette question au Conseil constitutionnel. « C’est une victoire d’étape décisive », s’est félicité l’avocat du collectif à la Cour, Patrice Spinosi. « Si le Conseil constitutionnel nous suit, le gouvernement devra légiférer sur les conditions du recours à la technique de la +nasse+, largement utilisée et critiquée ces dernières années », a-t-il poursuivi. Cette décision « sera d’autant plus bienvenue que nous vivons actuellement une crise importante du maintien de l’ordre. Le besoin que les juges garantissent les droits et libertés des manifestants quand la loi n’encadre pas suffisamment l’action des forces de l’ordre n’en est que plus fort. » Le Conseil constitutionnel a désormais trois mois pour se prononcer. La légalité du recours à la « nasse » (ou « encagement »), souvent utilisée par les policiers et gendarmes, notamment lors du mouvement des « gilets jaunes », est régulièrement contestée par des avocats. Le Défenseur des droits a estimé dans un rapport fin 2017 que « le cadre légal » de la nasse était « très incertain, voire inexistant » et en juillet dernier, il a recommandé de mettre fin à cette pratique. En 2012, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), saisie à la suite d’une manifestation à Londres en 2001, avait jugé cette pratique « légale » en raison du « risque réel » que la manifestation dégénère. Les juges rappelaient cependant que « les autorités nationales doivent se garder d’avoir recours à des mesures de contrôle des foules afin, directement ou indirectement, d’étouffer ou de décourager des mouvements de protestation ».