« la Nuit des tentes : le pire s’est produit. L’horreur et l’indigne, la statue de la République était pétrifiée ».

Le pire n’est pas les images, c’est la nuit qui a de nouveau avalé les exilés dehors.

Le pire est que les 400 exilés présents à 19h à Place de la République dormiront de nouveau dehors cette nuit, loin à Clichy, loin à Saint Denis, cachés sous les ponts des canaux ou ailleurs, invisibles. Le pire est que de nouveau, nous ne les verrons pas s’endormir blessés dans le froid. 
Non, l’épouvantable n’est pas arrivé lorsque la police a sorti les exilés à 20h des tentes que l’association Utopia avait dressé sur la place de la république1. Les forces de l’ordre ont commencé à jeter plusieurs centaines de tentes achetés ce week-end pour les mettre à l’abri. Les corps délaissés des exilés, sortis de force, les tissus légers volants entre les airs de mains en mains de la police, les toiles bientôt déchirées, les visages de tous fatigués… Nous n’étions là qu’au début.
Non plus, ce n’était pas le pire lorsque avocates et avocats de Droits d’urgence, du bus de la solidarité, du conseil national du barreau, n’ont pas réussi à négocier avec les forces de l’ordre pour éviter les charges de la police. Ils se sont fait chargés comme tous les exilés, les associations Wislon, Utopia, LDH. Il était 21 heure place de la république et les 3 charges successives de la police n’étaient toujours pas le pire contre ce campement de fortune et ces défenseur.e.s comme les associations et collectifs Utopia, LDH Solidarité Migrants Wilson .
Encore, des élu.e.s de la république, l’écharpe tricolore devant les tentes, protégeant les exilés et les soutiens, ont été bousculés sans raisons. Ce n’était pas non plus l’impuissance des élus face à la force publique qui était le plus traumatisant ce soir.  Non, la plus grande colère n’a pas été ces démantèlements organisés et violents des chaînes pacifistes d’hommes et de femmes, des associations et collectifs de la Ligue, d’Utopia, de Médecin du monde, des élu.e.s et des avocats. Les vagues policières ont brisé ces chaînes de solidarité ; nous n’étions encore qu’au début.
Plus tard, élues exilés associations, pourchassés dans les rues de Paris, ce n’était pas le pire pour ce soir, malgré les coups de matraque pour ceux et celles qui ne couraient pas assez vite, malgré la résignation qui gagnait tous les cœurs devant l’absence de solutions d’hébergement que pourtant certains élus proposaient à la préfecture de Paris. De 21h à 1h du matin, cette longue course parsemée de charges policières, de tirs lbd, de grenade de desencerclement, de milliers de forces de l’ordre quadrillant l’espace pour deux cents personnes, cette longue marche absurde, sans cohérence ni respect des droits, n’a pas été le plus triste cette nuit. 
Le pire n’est pas les images choquantes, horribles et indignes, ces vidéos d’exilés pourchassés, de journalistes piétinés par les forces de l’ordre ou d’élus maltraités. Et pourtant, ces images qui circuleront les prochains jours dans tous les médias et réseaux associatifs, ne montrent pas la véritable horreur. 

Le pire s’est produit : ils et elles resteront dehors cette nuit. Là est la folie.
Et les nuits à venir, ils seront là, ils reviendront, d’autres s’y ajouteront, là est l’indicible. Tant que ce cycle sans cohérence d’évacuation bâclée continue, tant que les dispositions législatives ne permettent pas à tout demandeur d’asile ou réfugié ou sans papier, sans distinction, l’accès à un hébergement, tant que les fonds étatiques seront insuffisants pour créer des places d’accueil véritable, le système perdura malgré les éclats violents d’une nuit. De Calais à Paris à la Roya, les mêmes méthodes s’installent petit à petit sur tout le territoire.
La plus lourde faute de l’État est enfin plus loin, plus profonde. Au-delà du droit international et français bafoués, c’est la destruction de l’espoir qui s’insinue dans nos cœurs. Espoir d’une vie meilleure après des vies persécutées, espoir d’avoir ici un droit inaltérable, simple et nécessaire, d’obtenir protection : un toit et une procédure d’asile respectant les droits. 
Nous étions sous la statue de la République, réclamant l’application des principes du droit républicain. Nous n’avons vu qu’un déchaînement de violence inutile, sans solutions d’hébergement pour ces 400 exilés.
La statue n’a pas réagi cette nuit, elle est restée seule sur la place vidée, pleurant ses droits, une fois de plus, piétinés.

Premiers Signataires :
Utopia
Droits d’Urgences
Ligue des Droits de l’Homme
Collectif Solidarité Wilson
Syndicat des Avocats de France

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